Elsevier

L'Encéphale

Volume 45, Issue 2, April 2019, Pages 121-126
L'Encéphale

Article de recherche
Étude du lien parental dans l’enfance chez les enfants et adolescents avec anorexie mentaleStudy of parental bonding in childhood in children and adolescents with anorexia nervosa

https://doi.org/10.1016/j.encep.2018.02.004Get rights and content

Résumé

Introduction

L’anorexie mentale est une pathologie des troubles des conduites alimentaires grave et complexe de l’adolescence. La nature multifactorielle de l’anorexie mentale, la place importante de la famille et l’intérêt croissant pour la théorie de l’attachement dans les troubles des conduites alimentaires questionnent sur le lien parental dans l’anorexie mentale. L’objectif principal est d’analyser les liens parentaux chez une population d’enfants et d’adolescents présentant une anorexie mentale. L’objectif secondaire est d’étudier les différences en fonction de la tranche d’âge.

Méthodes

Nous avons réalisé une étude pilote et observationnelle à Bordeaux sur une période d’un an. Vingt-cinq jeunes filles souffrant d’anorexie mentale, âgées de 10 à 17 ans, hospitalisées, furent rencontrées individuellement pour répondre à une série de questionnaires dont la Parental Bonding Instrument.

Résultats

Les résultats révèlent des soins parentaux élevés, une surprotection maternelle élevée et paternelle faible avec un style parental « optimal » prédominant suivi du style « contraint affectueux ». On retrouve des différences chez les patientes avec anorexie mentale avec une surprotection maternelle (p = 0,011) et paternelle (p = 0,085) chez les pubères. En analyse de corrélation, il existe une corrélation positive entre la protection maternelle et l’âge du diagnostic et une corrélation négative entre les soins parentaux et la durée de la maladie. Conclusion Notre étude montre une cotation par les patientes avec anorexie mentale de parents chaleureux et compréhensifs, d’une mère surprotectrice et d’un père encourageant à l’autonomie. Il existe une surprotection maternelle et paternelle chez les patientes pubertaires avec anorexie mentale comparées aux péripubères.

Abstract

Introduction

Anorexia nervosa constitutes a severe and complex eating disorder occurring principally in adolescence. It is one of the most deadly psychiatric disorders. Considering the multifactorial nature of anorexia nervosa, the important place of the family and the growing interest in the theory of attachment in eating disorders, parental bonding is questioned in anorexia nervosa. The main study goal is to analyze parental bonding in a population of children and adolescents with anorexia nervosa. The secondary objective is to study differences according to the age group.

Method

We realized an observational pilot study in Bordeaux over a period from June 2015 to April 2017. Twenty five young girls with anorexia nervosa, aged 10 to 17 years, hospitalized in the department of child and adolescent psychiatry and department of eating disorders have been included and divided into two groups: peripubertal for children under 14 and pubertal for children aged 14 to 17 years. We met them individually to complete a series of questionnaires including the Parental Bonding Instrument (for assessing attachment), the Mini International Neuropsychiatry Interview for Children and Adolescent (for detecting the presence of comorbidity) and a structured questionnaire for collecting general information on anorexia nervosa.

Results

Results revealed high parental care, high maternal and paternal overprotection with predominantly “optimal” parenting style followed by “affectionate constraint” style. Significant differences were observed in anorexia nervosa patients with maternal (P = 0.011) and paternal (P = 0.085) overprotection in pubes compared to peripubertal. In correlation analysis, there was a positive correlation between maternal protection and age of diagnosis and a negative correlation between parental care and duration of illness. Furthermore, the maternal overprotection tended to be correlated significantly and positively with the age of the diagnosis and the paternal overprotection with the body mass index.

Conclusion

Our study shows a rating by the parents of warm and understanding parents, an over-protective mother and a father encouraging autonomy. There is maternal and paternal overprotection in pubertal anorexia nervosa compared with peripubertals. Our results suggest the importance of analyzing parenting style in addition to Parental Bonding Instruments results and of supporting the importance of the development of family therapy in the anorexia nervosa.

Introduction

L’anorexie mentale (AM) suscite un intérêt qui n’a cessé de croître durant ces dernières décennies. C’est une pathologie grave et mortelle avec le plus haut taux de mortalité parmi tous les troubles mentaux [1]. Elle touche essentiellement les femmes avec un sexe ratio de 1/10 [2]. D’après la revue de la littérature de Roux et al., la prévalence varie de 0 à 2,2 % [3]. L’AM semble de plus en plus fréquente avec une incidence qui s’accroît dans le groupe à risque des 15–19 ans [4].

L’AM est une pathologie multifactorielle avec entre autres un dysfonctionnement familial représenté par des discordes familiales [5], [6], des exigences parentales élevées [5], [6], [7] et un attachement insécure [8], [9]. L’AM est même considérée par certains auteurs comme un trouble des relations interpersonnelles. Le professeur Corcos parle même de « pathologie du lien » [10].

Plusieurs études ont démontré qu’un attachement insécure serait un facteur de risque de développer des troubles psychiatriques [11], [12]. À l’heure actuelle, il n’existe que peu de recherches traitant des troubles des conduites alimentaires (TCA) et du fonctionnement familial ou du lien parental. La seule méta-analyse regroupant 16 études sur l’AM et 38 sur les TCA dans ce domaine retrouve une association des TCA avec l’attachement insécure avec un large effet standardisé (d = 1,31), avec des soins parentaux faibles (d = 0,51) et avec une surprotection parentale élevée (d = 0,29) [13]. En ce qui concerne spécifiquement l’AM et le lien parental, on dénombre encore moins d’études. Les premières ont été publiées autour des années 1990. Elles retrouvent des parents moins attentionnés et moins bienveillants chez les patients souffrant d’AM [14], [15], [16], [17], une association significative entre le dysfonctionnement parental et la sévérité des symptômes [14] et entre les soins maternels et paternels plus faibles et la chronicisation [17] et aucune n’ont évalué les différences en fonction de l’âge.

Nos hypothèses sont que la présence d’un dysfonctionnement du lien parental dans l’enfance serait un facteur de risque de développer une AM au cours de l’adolescence et que la présence d’un dysfonctionnement du lien parental dans l’enfance favoriserait la survenue précoce de l’AM en période péripubertaire.

Nous avons réalisé une étude pilote qui a pour objectif, dans un premier temps, d’analyser les liens parentaux chez une population d’enfants et d’adolescents présentant une AM en période péripubertaire et pubertaire. Dans un second temps, nous évaluerons s’il existe des différences en fonction de la tranche d’âge étudiée.

Section snippets

Population étudiée

Il s’agit d’une étude pilote, observationnelle qui s’est déroulée au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Vingt-cinq enfants et adolescents âgés de 10 à 17 ans ont été inclus dans l’étude sur une période de juin 2015 à avril 2017. Nous avons ensuite réparti les sujets en deux groupes : un groupe péripubertaire correspondant aux patientes atteintes d’AM d’âge inférieur à 14 ans au moment de l’inclusion et un groupe pubertaire correspondant aux patientes de 14 à 17 ans inclus.

Les critères

Analyse descriptive

Sur 30 sujets éligibles au protocole, 29 répondaient aux critères d’inclusion et quatre familles ont refusé de participer à l’étude. L’étude concerne ainsi 25 patientes. L’ensemble des résultats est décrit dans le Tableau 1.

L’ensemble des patients est de sexe féminin. L’âge moyen est de 14 ans. Soixante pour cent des sujets présentent des antécédents psychiatriques familiaux. 68 % présentent une AM de type restrictif. En ce qui concerne les styles parentaux, la moitié est « optimale », 12 %

Discussion

Les objectifs de notre étude étaient d’analyser les liens parentaux cotés chez une population d’enfants et d’adolescents présentant une AM et d’évaluer l’existence de différences en fonction de la tranche d’âge étudiée. Le groupe péripubertaire et pubertaire ont été définis de façon à obtenir des groupes équilibrés et en lien avec les données de la littérature sur la survenue de l’AM à l’adolescence. À cette période, on retrouve une incidence accrue de l’AM [4], des remaniements importants des

Déclaration de liens d’intérêts

M.P.B. Congrès : invitations en qualité d’auditeur pour H.A.C. Pharma.

M.P.B. Congrès : invitations en qualité d’intervenant et d’auditeur pour Shire. Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Remerciements

Nous remercions le docteur Pommereau et son service pour le recrutement des patients.

Références (32)

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    Risk factors and antecedent life events in the development of anorexia nervosa: a portuguese case-control study: risk factors and antecedent life events in anorexia nervosa

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    Attachment in anorexia nervosa: a transgenerational perspective

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    Attachment in anorexia nervosa: an exploration of associations with eating disorder psychopathology and psychiatric symptoms

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  • M.J. Bakermans-Kranenburg et al.

    The first 10,000 adult attachment interviews: distributions of adult attachment representations in clinical and non-clinical groups

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    Family members’ retrospective perceptions of intrafamilial relationships

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