Au décours d’une grossesse, le système urinaire subit une importante adaptation physiologique qui pose fréquemment un défi clinique dans les soins aigus. En effet, la dilatation de la voie urinaire, signe cardinal de l’obstruction reste physiologique chez une majorité de femmes alors que la maladie lithiasique est en même temps favorisée par la grossesse. Cet article propose une revue structurée et pragmatique de cette situation particulière où les options diagnostiques comme thérapeutiques sont limitées.
Hinweise
Note de l‘éditeur
Springer Nature conserve une position neutre en ce qui concerne les revendications juridictionnelles dans les cartes géographiques et les affiliations institutionnelles figurant dans ses publications.
Abkürzungen
CT
Tomodensitométrie
ESWL
Lithotripsie par ondes de choc
IRM
imagerie par résonance magnétique
PNL
Néphrolithotomie percutanée
Physiologie du système urinaire lors de la grossesse
La grossesse physiologique est caractérisée par de profonds changements dans l’ensemble des systèmes organiques pour répondre aux besoins du fœtus. Sur le plan urologique, des modifications structurelles et fonctionnelles se mettent progressivement en place, tant au niveau de la fonction rénale que de la voie excrétrice; le volume rénal augmente jusqu’à 30 %, principalement en raison d’une augmentation du volume vasculaire et interstitiel rénal, ce qui se traduit par un accroissement de leur longueur échographique de 1 à 1,5 cm. En parallèle, le taux de filtration glomérulaire augmente entrainant une diminution du taux de créatinine sérique.
L’hydronéphrose et l’hydro-uretère physiologique pendant la grossesse sont constatés chez 80 % des patientes qui résultent de la compression par l’utérus gravide, de changements intrinsèques de la paroi urétérale et des modifications hormonales [1]. L’augmentation du volume utérin va classiquement allonger, latéraliser et rendre plus sinueux le trajet urétéral. La progestérone va réduire le tonus ainsi que le péristaltisme et la pression de contraction de l’uretère, réduisant ainsi la vidange du rein. L’hypotonie vésicale peut provoquer une incompétence de la jonction urétéro-vésicale et entraîner un reflux vésico-urétéral intermittent, ce qui peut conduire à des symptômes irritatifs du bas appareil urinaire [2].
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On observe une prépondérance de l’hydronéphrose du côté droit chez les femmes enceintes. Cela est dû au fait que l’uretère droit traverse les vaisseaux iliaques et ovariens en formant un angle avant de pénétrer dans le bassin, alors que l’uretère gauche forme un angle moins aigu et se déplace parallèlement à la veine ovarienne.
Ceci peut être visualisé à l’échographie dès le deuxième trimestre et se résorbe entre 6 et 12 semaines après l’accouchement. Une dilatation pyélocalicielle jusqu’à 2 cm est considérée comme normale pendant la grossesse avec un système collecteur pouvant contenir jusqu’à 200–300 ml d’urine. Cette stase urinaire peut alors devenir un réservoir bactériologique et contribuer à l’augmentation de l’incidence de pyélonéphrites aigues [3].
Dans la majorité des cas, ces modifications restent asymptomatiques. Plus rarement, la compression excessive des uretères peut provoquer des douleurs, s’améliorant avec le positionnement latéral avec le côté symptomatique vers le haut qui soulage la pression exercée par l’utérus sur les uretères et la délivrance. La mise en place d’un drainage par voie endoscopique ou percutané peut s’avérer nécessaire si la situation clinique l’exige.
Hydronéphrose pathologique et obstruction des voies urinaires
La crise de colique néphrétique n’est pas rare, avec une incidence estimée entre 1/200 et 500 grossesses [4]. Le risque relatif augmente au cours de la grossesse; si l’on ne constate pas de majoration du risque au premier trimestre celui-ci est deux fois plus élevé au deuxième trimestre et 2,7 fois plus élevé au cours du troisième trimestre; le risque rejoint celui de la population un an après l’accouchement.
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On constate lors de la grossesse une augmentation de la calciurie et à une augmentation du pH urinaire. La saturation urinaire en oxalate de calcium est similaire à celle des femmes non enceintes présentant une disposition avérée aux calculs d’origine calciques. D’autres facteurs contribuent à la lithogénèse comme la stase évoquée plus haut et la diminution fréquente de l’apport hydrique en fin de grossesse [5].
Les patientes se présentent dans 80% des cas au cours du deuxième et du troisième trimestre avec une douleur typique et suraiguë au flanc, irradiant souvent vers l’aine ou le bas-ventre. Une hématurie est retrouvée chez 75 à 95 % des patientes, dont un tiers de façon macroscopique. Une leucocyturie est identifiée dans 40 % des cas. Sur le plan clinique, la symptomatologie reste strictement superposable à la colique néphrétique classique.
Dans certaines situations, la compression des uretères par l’utérus provoque une insuffisance rénale. Le diagnostic peut être établi dans certains cas par la normalisation de la fonction rénale en position couchée latérale et sa réapparition en position couchée. Le traitement, s’il est nécessaire, consiste à nouveau au drainage de la voie urinaire ou à la délivrance [6‐8].
Démarche diagnostique et imagerie
L’éviction des rayonnements ionisants reste un obstacle majeur au diagnostic facile, rendant la discrimination entre le physiologique et le pathologique délicate.
L’identification adéquate et la prise en charge précoce reste cependant essentiel au vu des risques d’hypertension, de prééclampsie mais également d’une naissance prématurée [9]. La plupart des données cliniques ou de laboratoire sont souvent insuffisantes pour prédire avec certitude la présence d’un calcul. A noter cependant qu’une colique du côté gauche était plus susceptible d’indiquer la présence d’un calcul, étant donné qu’une dilatation physiologique des voies urinaires est plus fréquente du côté droit.
L’échographie rénale reste donc la modalité d’imagerie initiale préférée [10]. L’examen se déroule en décubitus latéral, côté symptomatique vers le haut, ce qui permet de déplacer le poids de l’utérus gravide. Certaines mesures échographiques comme l’index de résistance et l’éjaculation des méats au doppler peuvent être contributifs au diagnostic. L’échographie présente cependant une faible sensibilité lorsqu’elle est réalisée comme examen initial ce qui démontre les limitations liées à l’hydronéphrose physiologique, à la mauvaise visualisation des uretères, et sa performance dépend au final fortement de l’expérience du radiologue.
Si un diagnostic plus approfondi est justifié, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) reste indiquée en deuxième intention [11, 15]. L’utilisation du gadolinium n’est pas systématiquement recommandée afin d’éviter les effets toxiques sur l’embryon.
Bien que les protocoles de tomodensitométrie (CT) à faible dose réduisent l’exposition aux radiations, une utilisation judicieuse est actuellement recommandée chez les femmes enceintes comme une option de dernière ligne, classiquement réservée aux urgences vitales [9, 12, 16].
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En substance, la détection d’une urolithiase pendant la grossesse est possible par CT à faible dose avec la valeur prédictive positive la plus élevée (95,8 %) suivie de l’IRM (80 %) et de l’échographie (77 %) [13].
Prise en charge
La plupart des hydronéphroses symptomatiques pendant la grossesse sont légères et 96% des patientes peuvent être soulagées par un traitement conservateur y compris des analgésiques, le positionnement et le traitement par antibiotiques en cas d’infection concomitante [6]. En cas d’échec, la pose d’une sonde double J est le traitement de choix et peut être réalisée sous anesthésie locale [7, 8] et sous contrôle échographique.
En cas de néphrolithiase obstructive, la prise en charge peut être complexe et nécessite souvent une collaboration étroite entre l’obstétricien et l’urologue. Il est nécessaire d’examiner attentivement la localisation et la taille du calcul ainsi que l’âge gestationnel de la patiente avant de déterminer la stratégie.
La plupart des patientes enceintes (64–70%) éliminent spontanément les calculs pendant la grossesse, et 50% des autres patientes éliminent leurs calculs dans la période post-partum. Comme la plupart des patientes enceintes souffrant d’épisodes aigus de calculs ne nécessitent pas d’intervention, un traitement conservateur avec analgésie est souvent le traitement de première intention [8]. Cependant, la sécurité des thérapies médicales expulsives pendant la grossesse utilisant des inhibiteurs calciques ou des alpha-bloquants n’a pas été établie et ces thérapies restent donc contre-indiquées.
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Les indications de la prise en charge chirurgicale d’urgence et élective des calculs sont similaires à celles des patientes non enceintes, et comprennent les signes d’infection des voies urinaires voir de septicémie, l’insuffisance rénale aiguë et de douleur persistante. Chez les patientes enceintes présentant une indication de chirurgie d’urgence, une décompression urgente du système collecteur doit être effectuée sans délai, quel que soit le trimestre [5, 16]. On préférera ensuite une évaluation par CT différée au postpartum afin de juger de la nécessité d’un traitement complémentaire.
Le drainage urinaire temporaire chez les patientes enceintes présentant une obstruction urétérale peut être réalisé par la pose d’une endoprothèse urétérale (double J) ou d’une néphrostomie percutanée (Figs. 1, 2, 3). La pose d’une endoprothèse urétérale par voie rétrograde peut être effectuée sous anesthésie locale ou générale sous échographie voir une fluoroscopie très limitée. De plus, l’incrustation rapide des stents est fréquente pendant la grossesse et a été attribuée à l’augmentation de l’hypercalciurie et de l’hyperuricosurie classiquement observée. Par conséquent, les stents urétraux doivent être changés toutes les 4 à 8 semaines chez les patientes enceintes. La morbidité liée au port d’une endoprothèse est minime si l’endoprothèse est laissée en place pendant moins de trois mois [16].
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Chez les patientes enceintes qui n’ont pas besoin d’une intervention chirurgicale d’urgence, l’extraction des calculs devrait idéalement être retardée jusqu’après l’accouchement. Cependant, si la patiente souffre de douleurs intraitables ou d’infections urinaires récurrentes associées à un calcul, une chirurgie élective d’extraction de calculs peut être appropriée pour une femme enceinte, et il est préférable de la pratiquer au cours du deuxième ou du troisième trimestre. L’urétéroscopie avec lithotripsie laser semble être la modalité de choix [14, 16].
La lithotripsie par ondes de choc (ESWL) est contre-indiquée pendant la grossesse en raison des risques potentiels pour le fœtus. Bien que possible, la néphrolithotomie percutanée (PNL) pendant la grossesse reste une décision individuelle et ne doit être réalisée que dans des centres hautement expérimentés [15, 16].
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Conclusion
L’hydronéphrose est une condition physiologique pendant la grossesse et reste le plus souvent asymptomatique.
En cas de douleur abdominale aiguë compatible ou d’infection cependant, le diagnostic d’une obstruction pathologique est délicat. Si la clinique et les indications thérapeutiques restent analogues à celles de la population générale, il est important de limiter au maximum les rayons ionisants et de réserver les traitements actifs aux situation impératives afin de garantir la sécurité maximale du fœtus. Ainsi, l’imagerie de première ligne reste l’échographie rénale et l’IRM permet de déterminer les options thérapeutiques dans les situations complexes. La tomodensitométrie doit être réservée aux urgences vitales. Une attitude conservatrice voir un simple drainage de la voie urinaire sont en règle générale suffisants pour contrôler la problématique (Fig. 4). Le traitement du calcul est dans l’idéal différé au postpartum.
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Key messages
L’hydronéphrose physiologique est un phénomène courant pendant la grossesse.
L’hydronéphrose symptomatique doit être distinguée d’une obstruction pathologique ou d’une néphrolithiase.
Une prise en charge multidisciplinaire est essentielle pour le traitement des patients symptomatiques.
Qu’il s’agisse d’une hydronéphrose pathologique ou physiologique, les mesures conservatrices sont généralement les traitements de choix.
Conformité aux directives éthiques
Conflit d’intérêts
N. Assayed Leonardi, P. Martel, M. Vachette et B. Roth déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.
Pour cet article, les auteurs n’ont réalisé aucune étude sur les humains ou les animaux. Les études réalisées étaient conformes aux normes éthiques indiquées dans chaque cas.
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Note de l‘éditeur
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